Ou, comment être propre sans eau :
Dans l’antiquité et jusqu’au moyen-âge, les odeurs du corps étaient « effacées ou atténuées » par des frottements et des parfums : frictions et ablutions sont alors les deux rituels sacrés en France. Pour pallier à la puanteur du corps sale, le renouvellement du linge par sa blancheur, sa matière, son esthétique, devient une règle et permet d’éclipser toutes ou parties des mauvaises odeurs. On n’hésite pas à agrémenter le « ressenti d’hygiène » par le poudrage des cheveux (qui en évite le lavage en en conservant la souplesse), le choix des dentelles qui ont la particularité de retenir les parfums dans les méandres de leurs arabesques, le rinçage de la bouche avec de la cannelle qui assurera un certain temps la fraîcheur de l’haleine, l’usage immodéré du parfum qui « recrée merveilleusement le cerveau » , des sachets d’herbes ou fleurs séchées placés sous les aisselles ou sur les hanches, glissés dans des plis de robe ou les revers des pourpoints……………… Tous ces artifices permettent de sauver la face mais après les ébats amoureux, les surprises devaient être de taille.
L’arrivée des salles de bains :
Un objet inédit apparait, après 1740 chez les nobles : « la chaise de propreté ». Plus tard baptisée « bidet ». Fin du XVIIIème, ce sera la naissance des cabinets de toilettes, ancêtres de nos salles de bains. Ces aménagements et innovations prouvent que l’usage de l’eau pour l’hygiène corporelle semble être une des préoccupations de nos ancêtres Il est bon de rappeler que, déjà sous Louis XIV, les baignoires existaient au palais de Versailles. Dans la salle de bain royale, 2 baignoires en bronze sculpté existaient : une servait au trempage et lavage et la seconde au rinçage. Le Roi ne se baignait pas nu mais dans une sorte d’ample chemise qui lui évitait de se brûler les bras sur les bords de baignoire trop chauds pour sa chair délicate. Les salles de bains ne deviennent réellement à la mode que sous Louis XVI, avec des cuves en cuivre et des baignoires sabots, et dès 1770, les premières copies des baignoires royales en tôle popularisent l’usage de cette nouvelle mode d’hygiène. Toutefois, on se baigne encore souvent dans les rivières, à côté des bateaux-lavoirs, en tenue d’Eve, à la grande indignation de certains et certaines qui critiquent cette pratique. Il faudra la création de bateaux « toués » abritant les baigneurs des regards indiscrets pour qu’enfin, les gens puissent s’adonner à leur toilette favorite. Mais ce n’est qu’au XIXème siècle que le bain devient une pratique usitée : bain frais pour son action tonique, bain tiède procurant calme et bien être, bain chaud en thérapie……… Le développement des adductions d’eau publique à Paris permet la multiplication des bains publics (125 à Paris en 1850). A la même date, 950 000 parisiens prennent plus de deux millions de bains, soit une moyenne de 2,23 bains par habitant et par an…………. Hygiène, vous avez dit hygiène ????
L’hygiène buccale :
Jusqu’au Moyen-Age, les dents sont très rarement frottées mais quand c’est le cas (dans les milieux nobiliaires) elles sont nettoyés avec les doigts mais aussi avec un cordon de soie (l’esguillette), ancêtre du fil dentaire existant encore aujourd’hui. C’est au XIVème siècle qu’apparaissent les premiers cure-dents fabriqués. La brosse à dent n’apparaitra en Chine qu’en 1498, mais il faudra attendre le XVIIème pour qu’elle soit introduite en Europe. Jusque-là, on se rince la bouche avec « une soupe de vin », voire de l’urine dont l’usage attesté depuis la civilisation romaine disparaitra définitivement au XVIème siècle. On peut comprendre que les mauvaises dentitions étaient monnaie courante en ces périodes-là.
Il faut attendre la Renaissance pour que l’hygiène buccale se développe afin d’éviter la fétidité de l’haleine et la perte prématurée des dents. Les premières poudres dentifrices, les eaux parfumées rafraichissantes, les cure-dents (mais aussi cure-oreilles et cure-ongles) envahissent les boutiques spécialisées. Toutefois, malgré tous ces progrès, le sourire n’apparait pas encore dans l’éventail de la séduction. C’est à partir du XVIIIème siècle que la brosse à dents se démocratise réellement mais que les médecins hygiénistes recommandent les gargarismes et le frottage systématique des dents à l’eau après chaque repas. Dans les couches populaires les bouches ne sont malheureusement que rincées et les sourires des enfants laissent apparaitre de très nombreuses caries.
L’hygiène capillaire :
Au début du VIIème siècle, Saint Colomban insiste dans ses monastères sur l’importance du nettoyage régulier des cheveux : c’est pourquoi, pour éviter la vermine et en simplifier l’entretien, les ecclésiastiques prennent l’habitude de se les raser. Mais, en dehors des congrégations religieuses, les cheveux sont peu soignés. Les chapeaux les enferment et les cachent, couverts de parasites qui sont considérés comme un dérèglement des humeurs (lié à l’alimentation) plus que comme une preuve de saleté. Et face à la vermine quotidienne, l’épouillage familial n’est pas rare, à l’instar des singes aujourd’hui.
C’est pour cacher son crâne chauve qu’Henri III met la perruque à la mode au XVIe siècle, mais le soin apporté aux perruques n’empêche pas les poux d’y proliférer. Si la mode des perruques s’estompe au XVIIIe siècle, il faut attendre le XIXe siècle pour que l’on recommande de savonner fréquemment le cuir chevelu, au jaune d’œuf ou à l’huile d’amande douce. Comme ces recommandations sont peu suivies d’effets, on conseille surtout de couper les cheveux très courts pour éviter poux et teignes. Ce n’est que depuis quelques décennies que les cheveux sont lavés régulièrement et avec d’autant plus de soins que leur aspect négligé et sale est immédiatement décelé.
JD. Birebont, octobre 2008